Gildas Ngare | Rue89

Lors de la semaine de la maternité au pérou le 20 mai (Reuters)

L’association des Mompreneurs, qui existe depuis dix ans aux Etats-Unis, rassemble des femmes ayant pour particularité d’avoir fondé leur entreprise pendant ou juste après leur grossesse. Anne-Laure Constanza, présidente de la toute nouvelle section française, nous parle de son expérience personnelle et de cette association qui compte déjà 350 membres dans notre pays.

Vous dirigez une entreprise qui s’appelle Envie de Fraises et qui fait aujourd’hui 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ?

Avant, je travaillais pour des maisons de couture françaises en Chine. J’étais donc toujours entre deux avions. Mais avec la venue de mon bébé, il fallait que je m’arrête. J’ai alors eu l’idée de créer un site de e-commerce.

Il s’agissait d’une sorte de prêt-à-porter pour femmes enceintes, puisque je ne trouvais pas de quoi m’habiller ni de sites adaptés à la future maman. C’est vrai que la grossesse est un moment où on est censé se concentrer sur la cellule familiale. Mais paradoxalement, ça m’a donné une force que je n’aurais peut-être pas eue si je n’avais pas été enceinte.

Justement, quels liens faites-vous entre maternité et entrepreneuriat ?

L’arrivée d’un enfant est un moment de grand chamboulement dans la vie d’une femme. Il faut alors trouver une nouvelle organisation pour mener de front à la fois sa vie professionnelle et sa vie de femme. Les mamans sont traditionnellement actives en France. Ce qui n’est pas le cas par exemple en Allemagne, où il est mal vu pour une mère de travailler.

En devenant mère, une femme va développer de nouveaux talents indispensables, une forme de force plutôt intuitive qui lui permettra d’être plus prévoyante, de se dépasser et de devenir plus exigeante. Il faut qu’elle aille à l’essentiel.

Ces qualités développées par la maternité apportent donc une sorte de foi, de dynamisme qui permettent de franchir le cap de la création d’entreprise ; et puis les jeunes mamans, elles croient en l’avenir, sinon elles ne feraient pas d’enfants. Il faut avouer que ce côté positif permet d’affronter un nouveau défit.

Avez-vous des exemples de situations où vous vous êtes dépassée ?

Quand on se lance dans un processus de création d’entreprise et qu’on est enceinte, on apprend à assez peu dormir. La création d’entreprise, c’est des nuits blanches à travailler sur le business plan. On finit par avoir une capacité de travail supérieure à avant la grossesse.

Lorsque j’ai créé mon entreprise, je suis allée aux Etats-Unis, où nous avons des fournisseurs et je me suis rendu compte que c’était un véritable phénomène de société, que beaucoup de gens étaient dans cette situation. Le réseau des Mompreneurs existe depuis près de dix ans aux Etats-Unis et représente une véritable réserve de croissance.

Quand je suis revenue, je me suis demandé si ça ne commençait pas à arriver en France. En discutant avec une amie, j’ai compris que beaucoup de femmes créaient leur entreprise à la suite d’une naissance ; c’était comme un détonateur. Elles le faisaient soit parce qu’elles avaient peur d’être mises au placard, soit parce que c’est une véritable impulsion et qu’elles ont, pendant la grossesse, un développement de la créativité voilà.

On sait qu’en France, le problème de garde d’enfants est récurent. Comment fait-on lorsque l’enfant est né et qu’il faut reprendre son activité ?

En France, on est plutôt bien loti par rapport à la garde des enfants, avec les crèches. Je reprends l’exemple de l’Allemagne, où il n’y a aucune structure d’accueil. Mais c’est vrai que la garde d’enfants est un facteur essentiel pour la réalisation de son activité.

Quelles sont les activités de votre association ?

On a organisé en octobre une grande manifestation, le premier grand rassemblement des Mompreneurs en France. Le prix de la Mompreneur de l’année a été remis à la lauréate par le secrétaire d’Etat au Commerce.

On développe par ailleurs le mentoring par les femmes qui ont réussi, qui ont revendu leur entreprise et qui mettent à la disposition des jeunes leurs compétences en création d’entreprise. D’autre part, on fait du lobbying auprès du gouvernement pour faire bouger les choses et faciliter l’accession des femmes aux financements. Lire la suite de l’article ici

Avez-vous un message à adresser à celles qui souhaitent emprunter le chemin de l’entrepreneuriat ?

Ce que j’ai envie de dire c’est que la création d’entreprise n’est pas forcément la panacée. C’est quelque chose qui doit être bien muri et l’accompagnement est fondamental quand on sait qu’une entreprise sur trois dépose le bilan au bout de trois ans.

Il est important pour celles qui souhaitent se lancer de se tourner vers des structures d’accompagnement. Se lancer seule sans aide, ça paraît assez difficile. Pour les mamans qui veulent se lancer, il est crucial d’avoir l’accord du conjoint et là, ça devient un projet familial.

Photo : lors de la semaine de la maternité au Pérou le 20 mai (Reuters)